On l’attendait au tournant, il a répondu présent. Barack Obama, investi mardi dernier, a déjà signé une dizaine de textes qui illustrent sa vision du « changement ». Les médias américains, qui s’étaient prononcés en majorité pour le candidat démocrate lors de la campagne, ont pourtant été surpris par ce volontarisme affiché
L’image est historique, immortalisée par des millions de caméras et d’appareils photos –dont celui de sa fille. Le premier président américain noir vient de prêter serment. Mais au-delà de cet instant symbolique, ce sont huit années de George W. Bush qui semblent avoir été balayées d’un regard, d’un sourire, en moins d’une semaine. Oui, Things have changed, aux USA, et les médias américains s’en félicitent.
Pour Pamela Gentry, éditorialiste au puissant blog Bet.net, Obama est le premier président à profiter de ce jour d’investiture pour s’adresser au monde entier. Il prononce son discours sans arrogance, en président légitime, quand l’investiture de George W. Bush en 2000 (sauvé par la Cour Suprême à une voix près) est encore dans toutes les mémoires. Lors d’un débat à la radio nationale NPR avec Mrs Gentry, Marcus Mabry du New York Times se félicite aussi qu'Obama n'ait pas suivi le langage américano-centré (notamment pour les questions énergétiques) d'un Ronald Reagan en 1980.
Particulièrement à l’aise et proche des gens (le Washington Post publie une série de photos qui en témoignent), le nouveau président a surtout surpris par son discours « liberal » (au sens anglosaxon). Quand il déclare « public service is a priviledge », les médias n’y voient pas un archaïsme mais une modernisation de la « gauche » américaine. Quelques heures plus tard, Obama signe d’ailleurs un texte très restrictif pour les lobbies destiné à les éloigner du pouvoir (c’est la fin des « revolving doors »). Politique d’austérité oblige, il décide également de geler les 100 plus gros salaires de la Maison Blanche. Des mesures qu’il n’avait pas mises en avant lors de sa campagne.
Mais pour que le changement soit possible, selon le New York Times, il faut d’abord qu’il soit visible. Voilà pourquoi il décide dès la première semaine de rendre la politique américaine plus transparente : fermeture des prisons de la CIA en dehors du territoire, dont Guantanamo, décrets interdisant aux élites de faire de la rétention d’information et surtout, mise à disposition éventuelle des archives de l’ère Bush aux historiens… « J'en trépigne de joie », sourit Lee White, le directeur de la National Coalition for History.
Il ne faut pas oublier qu’Obama avait fondé sa notoriété et sa fiabilité sur cette même stratégie de la transparence tout au long de sa campagne, en faisant d’Internet un outil phénoménal de communication. Cette stratégie cybernétique ne change pas : dès son arrivée au pouvoir, le site de la Maison Blanche (www.whitehouse.gov) fait ainsi peu neuve, comme le remarque le blog www.techpresident.com. Obama a même annoncé qu’il publierait une Newsletter toutes les semaines pour faire le point sur sa politique.
Mais pour Abderrahim Foukara, correspondant à Al Jazeera International interrogé sur NPR, Obama a d’abord fait un choix crucial, celui de prendre à bras le corps le conflit en Palestine au cœur des antagonismes entre Orient et Occident. Au lendemain de son investiture, Obama a donc appelé Hosni Moubarak et tenu une réunion au sommet avec le général David Petraeus (qui dirige l’armée en Irak) avant d’officialiser la fermeture de Guantanamo. Et il a très vite nommé un émissaire spécial au Moyen Orient, George Mitchell, qui viendra épauler la nouvelle chèfe de la diplomatie américaine Hillary Clinton.
Il est bien évidemment bien trop tôt pour juger de l’efficacité des autres réformes promises : le gigantesque plan de relance économique de 800 milliards de dollars, voté aujourd’hui ; les mesures en faveur du développement durable (il n’a pas encore parlé d’adhésion au protocole de Kyoto) ; le soutien inconditionnel à Israël. Répondant à Paul Gigot sur Fox News, Dan Henninger, éditorialiste au conservateur Wall Street Journal, met finalement en garde : « En fermant Guantanamo, il a également créé de nouveaux problèmes. Qu’allons-nous faire des prisonniers ? De plus, en mettant l’armée et les services secrets plus en retrait, il les fragilise. Il ne devrait pas négliger les deux à la fois ».
Selon deux sondages Gallup parus mercredi et samedi, Barack Obama jouit d’une côté de popularité forte (63%). Cela lui assure une marge nécessaire à la mise en place de politiques qui ne rassemblent pas les Républicains, notamment sur l’économie. Comme le rappelle le blog politique de CNN, il devra piocher dans son « capital politique » pour mener à bien ces réformes. Ce sur quoi Marcus Mabry, du New York Times, conclut : « Il s’est fait élire grâce à la blogosphère. Mais il ne doit pas gouverner en fonction d’elle ».
Janvier 2009