Au cours de la campagne présidentielle de 2007, le candidat UMP Nicolas Sarkozy s'est présenté comme l'homme de toute les droites, en même temps que celui de tous les Français. Un objectif aux allures d'obsession -un brin schizophène- que seule l'invocation d'un thème rassembleur, voire fondateur, pouvait surmonter.
Lui-même fils d'immigré, il s'est empressé de réchauffer à sa sauce le thème de la Nation (mis au vestiaire depuis l'étrange victoire du 12 juillet 1998) et de l'ériger comme seule valeur commune à tous les Français, de souche comme d'adoption. Il suffit de se référer aux allocutions répétées du candidat, s'astreignant non seulement à réhabiliter l'idée même de Nation (historiquement empruntée à deux courants paradoxaux, d'un côté celui des chantres de "l'Etat Nation", et de l'autre, des "nationalistes" plus farouches), mais aussi à nous faire penser (et bientôt regretter) que l'attachement des Français à leur "nationalité" était progressivement devenu chose taboue.
Disparu, donc, l'attachement séculaire au drapeau tricolore. Disparus aussi, du moins c'est ce qu'il faut croire, les poils qui se hérissent au son de la Marseillaise, la larme à l'oeil des passants devant le Panthéon, le pèlerinage républicain annuel place de la Bastille... Autant de symboles censés incarner un idéal franco-franchouillard, mais qui n'ont finalement jamais constitué à eux seuls des éléments structurants de notre supposée identité... Alors, pourquoi vouloir les réhabiliter? Pourquoi évoquer des parfums d'antan quand on sait de quoi se nourrissait la grandeur de la France avant la Seconde Guerre Mondiale, et pire, au temps (béni) des colonies? La rupture tranquille de cette droite post-moderne serait-elle un relent de l'esprit réactionnaire de l'entre deux guerres?
Comme si l'idée de Nation ne suffisait pas, Nicolas Sarkozy y a greffé le terme d' "identité". Soit, l'ADN fantasmé d'une Nation. Car nous savons bien que si la Nation est effectivement "une et indivisible", elle ne cesse pas d'être "définie", c'est-à-dire, étymologiquement, "limitée par des frontières". Des frontières mouvantes, tant géographiquement que conceptuellement. D'ailleurs, Nicolas Sarkozy aurait bien du mal à développer sur le sujet. Niveau définition, il faudra s'en tenir à l'histoire, la culture, la langue et les héros communs à près de 60 millions de ses amis. Nous voilà bien avancés. Il a bien fait référence à quelques Français dignes de ce nom (Jaurès, De Gaulle, Enrico Macias), mais apparemment sans se rendre compte qu'à travers ces trois personnages historiques, ce sont trois France qui cohabitent, pour ne pas dire qui s'affrontent.
Comme si l'idée de Nation ne suffisait pas, Nicolas Sarkozy y a greffé le terme d' "identité". Soit, l'ADN fantasmé d'une Nation. Car nous savons bien que si la Nation est effectivement "une et indivisible", elle ne cesse pas d'être "définie", c'est-à-dire, étymologiquement, "limitée par des frontières". Des frontières mouvantes, tant géographiquement que conceptuellement. D'ailleurs, Nicolas Sarkozy aurait bien du mal à développer sur le sujet. Niveau définition, il faudra s'en tenir à l'histoire, la culture, la langue et les héros communs à près de 60 millions de ses amis. Nous voilà bien avancés. Il a bien fait référence à quelques Français dignes de ce nom (Jaurès, De Gaulle, Enrico Macias), mais apparemment sans se rendre compte qu'à travers ces trois personnages historiques, ce sont trois France qui cohabitent, pour ne pas dire qui s'affrontent.
Notre pays s'était construit face et grâce à ses ennemis extérieurs; maintenant ce sont ceux de l'intérieur, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas acquis à sa cause, qui lui font de l'ombre. Un repli identitaire regrettable pour les enfants de la patrie comme pour les prétendants à la carte de séjour. En somme, la diffusion politique du message "néo-nationaliste" a créé une grave confusion entre ce que Deleuze comprend comme l'histoire et le devenir des peuples. Ainsi, en redessinant une carte de la France "non repentante", c'est-à-dire responsable de ses erreurs sans en être coupable, Nicolas Sarkozy a voulu façonner le passé collectif de tout un pays, en faisant miroiter un futur contradictoire mais plus confortable à appréhender.
Nicolas Sarkozy n'est pas un homme du terroir. Faute de pouvoir être l'homme de la tradition, ce sera donc celui de la rupture, un rôle où il est nettement plus crédible. Impossible pour lui d'assumer une responsabilité collective très ancienne quand on sait ses origines étrangères. Il faut donc inventer le futur. Et pour cela, renier le travail de mémoire effectué par son prédécesseur. Chasser ces "mouches" sartriennes, qui volent encore autour des cadavres des esclaves et des charniers de la Shoah.
Repenser un passé à l'image de son futur, voilà le projet aberrant que notre actuel Président a mis sur pied voilà plus d'un an. Heureusement, les historiens ont dans leur possession des armes d'un autre âge, mais encore bien efficaces.
(Voir cet article paru dans Libération):
Reste à espérer que cette campagne honteuse restera dans notre inconscient collectif un simple mauvais rêve.