Historique. C’est un moment historique. Des années que l’on attendait cela, des mois qu’on le sentait venir. Et puis ce moment est arrivé. Pour la première fois, mardi dernier, l’opposition française, fumante, a déclamé la Marseillaise debout devant le président de l’Assemblée Nationale et refusé de siéger le lendemain lors des questions au gouvernement. Une protestation sonore venant d’un PS pourtant bien moribond, mais dont les députés sont scandalisés par le nouveau projet de loi de l’UMP, jugé liberticide.
Quoi ? Ce n'était pas cela, ce moment historique, inédit depuis 1974 ? Il y a d'autres scoops au Parlement? Roger Karoutchi, le secrétaire d’Etat aux relations avec ce même Parlement… a fait son coming out ? Ah. Bon. C’était donc cela, l’information centrale de la semaine dernière... Celui qui considère le mouvement de révolte du PS comme une simple « flibusterie » vient de révéler son homosexualité.
Premier quotidien national à évoquer le sujet, le Journal Du Dimanche daté du 25 janvier. L'article intervient après la parution la veille d'une interview "exclusive" dans le tout jeune mensuel l’Optimum, où Karoutchi révèle ce qu'il était censé révéler dans son livre* deux semaines plus tard . Et puisqu’une brève ne suffit pas, le JDD y consacre une page entière. Ironie du calendrier, les lecteurs matinaux ont également pu suivre un télézapping du même Karoutchi diffusé à 13h dans l’émission + Clair (sur Canal) où le jeune homme -57 ans- déclare regarder MCM, MTV et M6 pop « en boucle ».
Dans ces circonstances, tout de même, il semble de bon ton d’y apporter une touche de « sérieux » et d’analyse, alors même que cette révélation est pour beaucoup un secret de polichinelle. Le Nouvelobs.com souligne : « C’est la première fois en France qu’un ministre en exercice fait son coming out », tout en rappelant que Bertrand Delanoë, alors candidat PS à la mairie de Paris, l’avait précédé en 1998 dans une interview à Zone Interdite, sur M6. A l’Elysée… et ailleurs, le blog politique de l’Express, y voit lui une campagne de communication destinée à raffermir son image en vue des régionales de 2010. Roger Karoutchi est en effet candidat à la tête de la région Ile-de-France, mais devancé dans les sondages pour les primaires à Valérie Pécresse. Celle-ci avait d’ailleurs agacé M. Karoutchi en juillet dernier, en déclarant qu’une des différences entre elle et lui était qu’ « elle était mariée avec trois jeunes enfants ». Une autre hypothèse pointe directement Sarkozy : « Encouragé par le chef de l'Etat et par son épouse Carla, écrit le JDD, il décide de rajouter trois pages sur son homosexualité à son autobiographie -qui en compte 300. Prudent, il fait relire sa confession à deux conseillers du président ». De là à en déduire qu’il en devient un outil de communication supplémentaire pour le chef de l'Etat…
TF1 ne prend pas cette précaution. « Et vous allez voir que le chef de l’Etat y est pour quelque chose », annonce Roselmack en lancement de l’interview réalisée « en privé » avec Karoutchi, dans son émission Sept à Huit. Huit, comme huit minutes de tête à tête avec le journaliste Thierry Demaizière. L’entretien s'ouvre carrément sur un éloge par Karoutchi de son ami de trente ans qui n’hésite pas à l’inviter aux réceptions avec son compagnon. « Pour lui, c’est naturel », confesse-t-il, un brin ému.
Mais les réactions les plus vives émergent, comme souvent, de la blogosphère. Lepost.fr liste cinq blogs, aux accents politiques ou pro-gays, à commencer par Citegay.com pour qui cette stratégie vise à rajeunir son image. Derrière la satisfaction de voir un homosexuel assumer sa sexualité au grand jour, Gayclic.com regrette le mutisme de Karoutchi sur certains sujets clés : invité chez Serge Moati sur France 5 dimanche soir et Fogiel à la matinale d’Europe 1 lundi, Karoutchi refuse de s’exprimer sur le mariage homosexuel ou l’adoption. Rien non plus sur les fichiers Edvige ou Stic (voir cet article) où les homosexuels sont directement visés. Rien enfin sur les déclarations de Christian Vanneste, député UMP réputé pour son homo-scepticisme, voire son homophobie.
Au final, ce « buzz » ne cache pas seulement les véritables engagements politiques du Monsieur, mais aussi toute la crise parlementaire qui le concerne directement. L’émission Ripostes mise à part, pas un mot n’a été dit à Karoutchi de la motion de censure qui guette la majorité. Une chose à peine envisageable dans un contexte de crise répétées à l’Assemblée et d’indignation générale de la part de la gauche. Que Roger Karoutchi veuille mettre un terme au tabou, personne ne peut lui reprocher ; mais que les médias soient à ce point oublieux est regrettable. Dans ce placard d’où est sorti Roger Karoutchi s'entassent les élus PS, temporairement étouffés par cette vraie-fausse annonce. Le vote de la motion de censure, prévu aujourd'hui, les en fera-t-il sortir ?
* Roger Karoutchi, Mes quatre vérités (Flammarion). Sortie le 4 février.
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