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SOCIETE. Capri, c'est fini

D’abord. D’abord… Il y eut un certain été 1936. Pour la première fois de son histoire, la France allait découvrir les joies (un peu arides) des congés payés. Foin des bocks et de la limonade, les Français s’étaient découvert une nouvelle passion : la glande ; et un nouveau lieu de pèlerinage : Palavas-les-Flots.
Et puis il y eut la guerre. Et avec elle, pêle-mêle, le Général de Gaulle, la télévision en couleur, la « ménagère », la Grande Motte, la pilule, la dépression. Images d’une France un brin ankylosée, qui peinait à regarder plus loin que le bout de son pare-brise.
Depuis, la France a quand même fait un bout de chemin. Premier pays touristique au monde, elle en profite chaque été pour repeupler une bonne partie de l’Europe avoisinante, et plus si affinités. Echange de bons procédés qui rappelle dans le même temps que la France sait exporter autre chose que des sans-papiers…
Ainsi donc, à l’heure des compagnies aériennes over low cost, des bikinis transparents et des boussoles électroniques, comment arriver à fuir cette population franchouillarde qui vous a tant de fois donné des envies génocidaires ? Et surtout, quel exotisme sera susceptible de –vraiment- vous toucher, une fois la patrie désertée ?
Si d’un point de vue analogique, toute mode est fille d’une autre mode même lointaine, alors il est possible de déceler dans certaines destinations fétiches d’aujourd’hui des chromosomes communs aux « rêves d’ailleurs » d’antan : la Mongolie pour les enfants de Mai 68; le trekking himalayen pour les nostalgiques de la randonnée transalpine ; le Wyoming, pour ceux du Connemara...
C’est une évidence, la France est has been. Bardot ne montre plus ses gambettes à Saint-Trop’ comme dans les films de Vadim ; Deauville est un pâle copier-coller du VII° arrondissement de Paris, et Capri, force est de constater qu’il en reste à peine un refrain. Nous avons beau changé d'utopie, de "non-lieux" pour parler étymologiquement, il arrivera bien un jour où nous n'aurons plus rien à nous mettre sous la dent.
Notre soif de « décentrement » n’est décidément pas sans écueils. Impuissante à rapprocher durablement les hommes, la mondialisation les a d’abord éloignés d’eux-mêmes. Pas étonnant dans ce contexte que le film très « terroir » de Dany Boon ait séduit une si grande partie de la population. "Bievenue chez les Ch'tis" a au moins ce mérite de voir les choses en grand, même en étant tout petit. Car le vrai snobisme aujourd’hui, c’est de fuir la pauvreté chez soi pour aller convoiter celle des autres, ailleurs. Triste tropisme.

Mai 2007

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